Covid, Climat, Complots : quelques pistes de réflexions - Partie I

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[Billet d’opinion]  A mes amis chrétiens qui s’interrogent sur le Covid, le changement climatique et la dictature mondiale qui s’en vient...

Ça a commencé il y a quelques mois par de petites allusions en apparence anodines d’un de mes amis, que je vais appeler Stéphane. « C’est un scandale la gestion de cette crise sanitaire… ‘On’ nous mène complètement en bateau… ! « . Je n’y prêtais qu’une oreille distraite, étant préoccupé par mille autres choses.

Puis les affirmations de cet ami se sont faites de plus en plus précises : le gouvernement aurait connaissance de traitements pour soigner le Covid mais aurait délibérément caché ces traitements ou empêché les médecins de soigner grâce à l’hydroxychloroquine... Le Dr Raoult aurait été empêché de soigner des malades par un gouvernement corrompu, vendu à « Big Pharma » et/ou à Bill Gates… Ce dernier serait le chef de file d’un consortium de riches et de puissants dont le but serait de diminuer drastiquement la population mondiale dans l’espoir de « sauver la planète » des calamités qui se préparent, crises écologique et climatique en tête… La vaccination serait un plan machiavélique pour soumettre les populations, les « pucer » (sic) et nous préparer à une dictature mondiale…

Les gouvernements et les médias seraient de mèche pour nous faire avaler tout ça, instaurer cette dictature planétaire, et Trump aurait été le seul à résister aux forces de la mondialisation en s’appuyant sur celles des « souverainistes ». Biden serait le candidat de l’argent et du capital contre Trump le Résistant, les élections américaines auraient été truquées avec la complicité des médias pour favoriser Biden, etc. (Le fait que Trump soit lui-même plutôt très complaisant vis-à-vis du capitalisme et milliardaire – et donc l’un de ces « riches et puissants » - ne semble d’ailleurs pas ébranler mon ami, mais passons…).

Comme je venais de voir avec mes enfants un film d’espionnage, Kingsman : Services Secrets (2015), dont le scénario – fictif, bien sûr – est assez similaire aux affirmations de Stéphane, j’ai d’abord cru à une blague (en passant, je ne recommande pas forcément le visionnage de ce film avec des enfants ). Le film met en scène un milliardaire, Richmond Valentine (joué par Samuel L. Jackson), qui a autrefois tenté de résoudre le problème du changement climatique sans y parvenir, et qui décide de réduire drastiquement la population humaine sur Terre. Il élabore un complot mondial et propose aux élites mondiales de les mettre à l’abri pendant que le reste de la population s’entretue grâce à un plan machiavélique qu’il a conçu (plan qui implique de distribuer à toute la population des « cartes Sim » qui sont en fait un cheval de Troie pour rendre les gens fous). Presque toute l’élite accepte de rentrer dans le plan, sauf un ou deux idéalistes qui sont emprisonnés.

C’est ainsi que je me suis rendu compte que cet ami – un ami de longue date, de formation scientifique Bac + 5, père de famille, très curieux et ouvert sur le monde, chrétien solide et responsable de son église depuis de nombreuses années – était fermement convaincu qu’un énorme complot mondial était en train de se dérouler devant nos yeux (il n’aime pas qu’on dise qu’il est « complotiste », même s’il croit fermement en l’existence d’un complot).

Mon ami, qui « spiritualise » souvent les problèmes, c’est-à-dire qu’il voit des symboles ou des signes un peu partout, verrait d’ailleurs sans doute dans ce film Kingsman une sorte d’avertissement prémonitoire ou la preuve que « quelqu’un savait » et a voulu contourner la censure en en faisant un scénario de fiction (en passant, il semble que le type de scénario avec pour toile de fond l’apocalypse climatique se multiplie : dans le récent film de science-fiction, Tenet, de Christopher Nolan (2020), les générations futures essaient de détruire notre génération avant que nous ne détruisions la terre… Il y a dix ans déjà, j’écrivais que « nos enfants nous appelleront barbares ! »… On y vient !).

Ma première réaction a été d’essayer de le raisonner : « Mais enfin, Stéphane, tu ne peux pas être sérieux ! Tu ne crois pas vraiment à de telles bêtises ! »

Devant sa réponse positive, j’ai tenté de lui montrer en quoi une telle hypothèse était peu plausible de mon point de vue : comment imaginer en effet que tous les riches et puissants de la planète se soient mis d’accord pour dézinguer la population mondiale, sans que ça ait fuité ?… (Réponse de mon ami : c’est parce que tous les médias « mainstream » sont eux aussi dans le coup). Comment imaginer que le gouvernement français (certes loin d’être parfait, mais quel gouvernement l’est ?) veuille laisser mourir sciemment une grande partie de la population et refuser de la soigner ? (réponse de mon ami : c’est parce que le gouvernement cherche à imposer un état d’urgence pour « préparer les gens » à une dictature), etc… A chaque argument que j’apportais, mon ami avait une réponse toute faite. Ça commençait à ressembler à l’histoire du dragon dans le garage de Carl Sagan, cité récemment dans un article du Guardian (article dont je recommande la lecture intégrale d’ailleurs si vous lisez l’anglais).

« L’astrophysicien Sagan décrit comment il a emmené un visiteur voir un dragon cracheur de feu dans son garage. En entrant, le visiteur a été surpris de trouver un espace vide - mais Sagan a répondu qu’il avait simplement oublié de mentionner que le dragon était invisible. Le visiteur décide alors de jeter un sac de farine sur le sol pour en tracer le contour - pour découvrir qu’il ne sera d’aucune utilité car le dragon plane au-dessus du sol. Lorsque le visiteur suggère d’utiliser une caméra infrarouge, on lui dit que les flammes du dragon sont sans chaleur. En d’autres termes, il n’y a aucun moyen de prouver ou de falsifier son existence. »

S’en est suivi un dialogue très frustrant avec cet ami pendant plusieurs semaines. Heureusement, grâce à nos relations solides les discussions sont toujours restées cordiales et nous sommes restés amis tout en convenant de ne plus aborder le sujet… Mais d’un mal est sorti un bien, puisque grâce à mon ami, j’ai pu explorer cet univers parallèle au mien, et j’y ai fait quelques découvertes étonnantes que je voudrais vous partager plus bas… 

Dans le même temps, j’étais préoccupé par ces échanges compliqués… Je suis en effet convaincu des conséquences délétères que peuvent avoir la diffusion de ce type de messages sur nos sociétés. Alors que je ruminais dans mon coin, quelque peu atterré par ce que je découvrais, j’ai lu ce passage de 2 Timothée 4 : 2-5 qui dit :

 « Prêche la parole, insiste en toute occasion, favorable ou non, reprends, censure, exhorte, avec toute douceur et en instruisant. Car il viendra un temps où les hommes ne supporteront pas la saine doctrine; mais, ayant la démangeaison d’entendre des choses agréables, ils se donneront une foule de docteurs selon leurs propres désirs, détourneront l’oreille de la vérité, et se tourneront vers les fables ».

Mon ami pourrait reprendre exactement le même passage à son compte, bien sûr, mais ces quelques versets, précédés par la lecture au cours des dernières semaines du prophète Jérémie, constamment confronté lui aussi à des personnes qui s’opposent au vrai message qui lui est transmis par Dieu, m’ont interpelé.

Certes je ne me prends pas pour l’apôtre Paul ou son disciple Timothée. La vérité dont il est question dans les débats avec Stéphane n’est pas non plus celle de l’Evangile. Et la « démangeaison d’entendre des choses agréables » ne semble pas s’appliquer à mon ami, tant ce qu’il écoute et croit est profondément déprimant et révoltant… Mais en même temps, il est — d’une bien curieuse manière — agréable de croire ce type de messages. Agréable parce que ça flatte notre égo : on se dit qu’on a enfin tout compris, qu’on est « dans le coup », qu’on a accès à des connaissances cachées que les autres, les « moutons », les « naïfs », ceux qui, comme moi, lisent les journaux « mainstream » ne peuvent ou ne veulent pas voir.

Face à un monde complexe, incertain, face à une épidémie où les scientifiques tâtonnent, où les politiciens font des erreurs (qui n’en fait pas ?), se contredisent, hésitent, font machine arrière, etc. il est rassurant et valorisant de croire qu’on « sait » ce qui se passe réellement (voir à ce sujet l’article du Monde, certes grand média « mainstream » devant l’Eternel, « Je faisais partie des esprits supérieurs », pourquoi le complotisme séduit autant ). Il est rassurant d’avoir des explications, une clé d’interprétation qui permet enfin de mettre des certitudes à la place d’incertitudes.

Ces quelques versets et la conviction que « la seule chose qui permet au mal de triompher est l’inaction des hommes de bien » m’ont convaincu de sortir du silence et d’écrire cet article. Je me suis dit que finalement j’avais beaucoup de chance d’avoir pu apprendre à soumettre à un examen critique les informations à notre disposition et que mon expérience d’historien cherchant à confronter des sources et des faits pouvait être utile à ceux qui me liront.

Ce qui suit pourra peut-être éclairer ceux qui se posent des questions sans savoir quoi penser face à tous les discours qu’on entend. Certains de mes proches, sans croire à toutes les théories de mon ami, continuent toutefois à croire des versions ‘softs’ des mêmes théories, comme par exemple le fait qu’il suffirait de prendre de la vitamine D pour se protéger du Coronavirus, que le gouvernement le saurait parfaitement et nous le cacherait (le fait qu’il soit probablement bon de prendre de la vitamine D pour renforcer son système immunitaire et que ça aide à combattre le virus n’implique pas que ça soit une solution miracle ni que ça suffise, et encore moins que le gouvernement nous cacherait cette soi-disant solution).

Le but des quelques lignes qui suivent est donc de vous inciter à prendre ce que vous lisez avec un minimum de critique et de précaution et à vous poser des questions sur l’auteur, la nature et le contexte de ce que vous lisez ou regardez. Le but ultime étant bien sûr de vous éviter de tomber dans le piège (qui a d’abord un goût de miel, mais qui ensuite a un goût amer) du complotisme. Un but secondaire est de vous inviter à vous méfier des autres discours en bruit de fond qui « sèment le doute » sur le problème du changement climatique, car complotisme et climato-scepticisme sont puissamment liés, comme nous allons le voir.

Jean-François Mouhot,
Directeur de l’Association A Rocha France

Cet article est la première partie d’un long article intitulé « Covid, Climat, Complots : quelques pistes de réflexions », publié en 4 parties du 16 au 19 mars sur InfoChrétienne. Retrouvez les différentes parties ici: Partie II - Partie III - Partie IV.


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